Depuis sa création, l’entreprise CIFI met l’accent sur les interactions entre recherche et entrepreneuriat dans le secteur immobilier, lançant il y a quelques années le «CAS in Banking, spécialisation Real Estate Finance». Cette année, le CIFI a conclu un partenariat avec le Center for Regional Economic Development (Centre de développement économique régional, CRED) de l’Université de Berne. Ce partenariat donne lieu à un transfert de connaissances qui aura également un effet bénéfique sur le travail et l’offre de services du CIFI.
Quarterly: Le Center for Regional Economic Development a été créé il y a une dizaine d’années au sein de l’Université de Berne. Pourriez-vous nous parler de la genèse du CRED?
Maximilian von Ehrlich: Dès sa création, l’objectif du CRED était de donner un élan à la recherche en économie régionale à l’Université de Berne. Aujourd’hui, le centre interdisciplinaire intègre également l’économie du tourisme. En bref, le CRED est désormais un hub interdisciplinaire à la croisée de l’économie, de la géographie et de la gestion d’entreprise.
Je suis moi-même arrivé à l’Université de Berne en 2013. A ce moment-là, mon parcours académique m’avait amené à me spécialiser tout particulièrement en «Public Economics» (économie publique) et en économie régionale. Puis, en 2020, j’ai repris la direction du CRED des mains de mon prédécesseur, Aymo Brunetti.
Le CRED se concentre lui aussi sur l’immobilier. Quels sont les opportunités et les défis particuliers de la recherche dans le secteur immobilier?
En effet, l’immobilier est un élément important de notre organisation de recherche. Elle s’articule autour de trois axes principaux, à savoir la dynamique des sites, la politique immobilière et foncière et le tourisme. Chacun de ces axes possède un lien évident avec le monde de l’immobilier.
Le défi spécifique de notre travail réside certainement dans l’étude approfondie des données et des institutions du secteur immobilier, afin de tirer de nouvelles connaissances qui profiteront à leur tour au secteur dans son ensemble. Je dois donc savoir comment fonctionnent les marchés immobiliers et quelles informations je peux en tirer. Depuis sa création, le CIFI a apporté une contribution importante en créant, avec les modèles de prix hédonistes une base pour le calcul et l’indexation des prix de l’immobilier.
Il est très important que nos travaux de recherche fassent le lien entre une théorie économique solide et les données correspondantes afin de pouvoir en tirer des conclusions. Au CRED, nous avons également l’ambition de fournir des résultats de recherche utiles pour la pratique. Cela signifie que nous devons toujours étayer nos théories par des preuves. Le défi consiste à obtenir les bonnes données et à adapter le modèle aux bonnes institutions. Dans ce domaine, l’évolution a été très rapide ces dernières années, notamment en ce qui concerne les informations géographiques.
Le CIFI a pour mission de rendre le marché immobilier plus transparent. Est-ce que cela correspond aussi à l’objectif du CRED?
Oui, absolument. La transparence est très importante. D’une part en raison de la sécurité des investissements, mais d’autre part aussi pour le bénéfice de la société en général. Le marché immobilier a une grande importance pour la vie de l’ensemble des individus. D’une part, parce qu’il leur offre littéralement un toit sur leur tête, et d’autre part parce qu’une grande partie de leur fortune privée est investie dans l’immobilier. Il est donc important de comprendre comment le marché fonctionne et comment la société peut ou devrait prendre des décisions à cet égard. Prenons l’exemple de la recherche de compromis entre logement bon marché et étalement urbain. Dans ce cas, il faut disposer dans tous les cas d’informations transparentes et neutres qui illustrent tous les aspects et toutes les facettes du problème.
L’un de vos axes de travail dans le domaine de l’immobilier est le thème «Politique foncière et immobilier». Est-ce que cela concerne aussi le rôle du secteur public dans le domaine de l’immobilier?
En effet. Ce rôle est très important. Le secteur public détermine dans une certaine mesure ce qui doit être construit où, et s’il doit l’être. Une certaine coordination est nécessaire pour permettre une bonne culture de la construction. Il s’agit de s’interroger ou de mesurer les conflits d’objectifs qui existent ici. Quels sont les avantages et les coûts de la réglementation A par rapport à la réglementation B?
Il y a un autre aspect: comment le logement est-il réellement imposé? On parle ici de l’imposition de la valeur locative ou de la déductibilité des frais d’intérêts. Ce dernier point est justement un facteur important dans la détermination du prix. En d’autres termes, une déduction d’intérêts a plus de valeur à un endroit donné que là où la charge d’intérêts est très élevée. Ainsi, les décisions de l’Etat peuvent influencer la demande de certains facteurs macroéconomiques.
Le CRED a également créé un indice de réglementation spécifique. Que mesure exactement cet indice?
L’indice s’appelle «land-use restrictiveness index» (indice de restriction d’utilisation du sol). Pour simplifier, il analyse l’utilisation du sol ou ses restrictions dans les communes suisses. L’indice ou les chiffres de l’indice doivent être interprétés ainsi: une valeur plus élevée équivaut à davantage de restrictions. Cela signifie qu’il est tendanciellement plus difficile de construire davantage. Mais il ne faut pas y voir une valorisation. Nous avons différents sous-indices en parallèle. L’un d’entre eux indique par exemple le degré d’implication de l’électorat local dans les démarches politiques.
En tant qu’investisseur immobilier, pourrais-je également déduire certaines informations pertinentes pour moi de cet indice?
Oui. D’une part, vous pourriez apprendre quels sont les chiffres clés en matière d’aménagement du territoire ou d’utilisation du sol qui existent déjà dans certaines communes, par exemple l’indice d’utilisation ou le nombre de logements à loyer modéré que la commune doit construire. L’investisseur aura alors une vision globale de la difficulté ou non de planifier de nouvelles constructions dans une commune. Mais d’autres aspects intéressants peuvent être mis en évidence, par exemple s’il y a une forte coordination entre les communes voisines en ce qui concerne l’affectation du sol. Les développements dans une commune peuvent en effet avoir des répercussions importantes sur d’autres communes, car nous n’habitons et ne travaillons pas toujours dans une seule commune.
Quel a été l’écho de cet indice jusqu’à présent?
Très positif. Mais il faut aussi dire que la politique foncière est un sujet très brûlant en Suisse, car les ressources sont très limitées dans ce pays. C’est un problème pour certaines personnes, et c’est pourquoi le thème de l’utilisation du sol est très chargé émotionnellement. D’un point de vue purement économique, je dois réduire la demande pour diminuer les coûts du logement, mais comment y parvenir dans la pratique? De l’autre côté, il y a l’offre: si j’augmente l’offre, les critiques de l’étalement urbain se manifestent très vite. C’est un conflit d’objectifs classique: en principe, on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Construire moins, signifie plus d’espaces verts, mais aussi des logements plus chers.
Dans notre indice, des chiffres ou faits réels sont produits pour ces aspects, mais je tiens à préciser que toutes ces informations ne sont pas valorisées. Il n’y a donc pas d’interprétation pour savoir si ces informations sont bonnes ou mauvaises. Nous fournissons ainsi à la société des chiffres qui lui permettent de pondérer les problèmes et devrait ensuite la conduire à prendre de meilleures décisions – et ce dans un esprit de transparence qui correspond d’ailleurs à la mission du CIFI de créer plus de transparence pour le marché immobilier.
En conclusion: à quoi ressemblera la collaboration entre le CIFI et le CRED à l’avenir; quels avantages et quelles synergies pourraient en résulter?
Je trouve que le CRED et le CIFI se complètent très bien. Nos recherches scientifiques universitaires avec des modèles théoriques ou des méthodes économétriques s’ajoutent à la connaissance pratique très approfondie et très vaste du CIFI. Et le CIFI a aussi constitué une base de données unique au fil des années. Nous pouvons donc optimiser nos modèles en collaboration avec le CIFI et fournir ainsi de nouveaux éléments qui profiteront à leur tour au marché immobilier ou peut-être aux parties prenantes du CIFI.
Nous souhaitons approfondir ce travail par le biais d’études communes ou le présenter lors d’événements spéciaux. Ensuite, il y a le domaine de la formation et de la formation continue, où nous nous complétons également de manière idéale. Par exemple, nous souhaitons intégrer une nouvelle spécialisation en immobilier dans le master en analyse économique appliquée de l’Université de Berne. D’ailleurs, de très nombreuses personnes diplômées de cette formation travaillent ensuite dans le secteur immobilier. En contrepartie, le CRED apportera certainement des compétences au CAS en Real Estate Finance, que le CIFI propose et qui rencontre un franc succès.