Les trois dernières années ont été marquées par le zèle mis à désamorcer une soi-disant bulle immobilière. Il en a découlé une série de restrictions à l’octroi de crédits hypothécaires. De plus, la banque nationale a activé le volant anticyclique de relèvement des fonds propres et a introduit les taux négatifs. En début d’année, le marché immobilier résidentiel n’affiche qu’une légère croissance tandis que les prix des immeubles de rapport sont en recul.
Cette situation exige de marquer un temps d’arrêt. Lorsque le marché est corseté par un cadre réglementaire renforcé, l’atterrissage en douceur pourrait vite se transformer en une descente en piqué. Se pose alors la question de savoir si certaines initiatives politiques ont encore leur légitimité.
Quand la mythologie prend le dessus sur la politique
En juin 2014, le Conseil des Etats a balayé la motion visant à renforcer la Lex Koller. Selon les opposants, le poids des investisseurs étrangers serait trop minime pour causer une hausse des prix. La forte demande a eu un impact beaucoup plus effectif sur la montée des prix, favorisée par des taux d’intérêts au plus bas. Cela n’a pas découragé les initiateurs. A l’occasion du Congrès Immobilier et Financier Suisse de l’automne dernier, Balthasar Glättli, appuyé par la Conseillère nationale socialiste Jacqueline Badran, avait repris la fameuse métaphore des sauterelles du politicien allemand Franz Müntefering pour mieux dépeindre le comportement des investisseurs étrangers. Le fléau des sauterelles était une des punitions divines destinées aux Egyptiens qui refusaient obstinément de laisser partir le peuple élu. Ce langage très émotionnel et parfois mythologique était jusqu’à présent l’arme préférée des politiciens de la droite populaire lorsque la réalité complexe n’offrait plus assez de dramaturgie. Si les partis de gauche décident maintenant de faire de même, on peut s’attendre à un renouveau idéologique dans l’arène politique.
L’immigration constitue un moteur pour le marché immobilier
La mise en œuvre de l’initiative «contre l’immigration de masse» déclenchera le prochain combat échauffé et émotionnel. Les Jeunes UDC Suisse ont publié, l’année dernière, une brochure scolaire. Elle y présentait la bataille de Morgarten comme «le premier combat des Confédérés pour la liberté» et souhaitait, aux politiciens actuels, d’avoir le même esprit de combat que leurs ancêtres. Dans la tradition diplomatique, de telles allures ne sont pas forcément judicieuses. Le risque qu’une décision unilatérale de la Suisse porte atteinte à la libre circulation des personnes et aboutisse à une résiliation des accords bilatéraux avec l’Union européenne.
Une étude de l’institut BAK Basel publiée en 2015, montre que la résiliation des accords bilatéraux aurait un impact négatif conséquent sur le produit intérieur brut; la Suisse serait de surcroît contrainte de négocier à nouveau sa relation avec l’UE. Ces perspectives brideraient l’investissement des entreprises pour les années à venir. L’immigration a, jusqu’à maintenant, constitué un moteur pour le secteur immobilier. Un affaiblissement pourrait conduire à une extension des poches régionales existantes de suroffre immobilière, au moment où la demande recule. Une chute des prix et des loyers ne serait alors plus à exclure. Dans ce cadre, il serait souhaitable que tous les acteurs politiques s’orientent de nouveau vers la realpolitik et reprennent la tradition du consensus. Ce consensus qui récolte toujours tant d’égards à l’étranger et s’est toujours avéré propice au développement de l’économie suisse.