Planification et coûts: une précision inégalée grâce à la méthode BIM

Le concept du „Building Information Modeling“ (BIM) a fait sa première apparition dans l’industrie du logiciel il y a une vingtaine d’années. Mais c’est seulement depuis trois ans que BIM s’est véritablement imposé dans le monde de la construction helvétique. La Suisse pourra bientôt se targuer d’un projet phare d’envergure nationale.

Avec un peu d’imagination, le nom de cette fameuse institution bernoise qui est l’Hôpital de l’Île («Inselspital») prendra bientôt tout son sens. Vu du ciel, ce n’est en effet pas une île que l’on voit actuellement, mais plutôt un archipel dont les îlots sont les bâtiments disséminés sur le fond verdoyant de ce campus hospitalier. De la chapelle de l’hôpital, véritable joyau historique, à l’imposant gratte-ciel qui comporte les chambres de patients, la diversité des édifices existants est grande. Cette configuration, qui peut sembler de prime abord si plaisante au visiteur, est apparemment devenue, au fil du temps, un véritable casse-tête pour le personnel hospitalier. Texte d’une brochure récente: «Petit à petit, l’aménagement structuré en pavillons s’est mué en un développement immobilier désordonné avec la création d’espaces décentralisées. De nouveaux bâtiments ont été construits souvent sans planification globale. Il en résulte un éparpillement organisationnel générateur de procédures de fonctionnement inefficaces.»

Les Bernois voient loin

En mars 2015, une grande partie de l’électorat bernois s’est en effet prononcée en faveur d’un plan directeur pour la rénovation du complexe hospitalier. Il s’agit d’ordonner et de densifier le campus d’ici à 2050. Densifier, dans le contexte bernois, ne signifie toutefois pas fuser vers le ciel. Les quatre zones de construction centrales prévoient une hauteur de bâtiment maximale de 90 mètres. Au pourtour, la densité de construction, c’est-à-dire le volume qu’il est possible de construire, se réduit. Une visualisation de ce futur proche est déjà possible.

Un coup d’œil à la maquette vitrée permet de constater que le très symbolique immeuble de chambres laisse place à un complexe à étages bardé de verre. Ce nouveau bâtiment, correspondant au secteur de construction 12, constituera le noyau dur de l’Hôpital de l’Île avec le centre cardio-vasculaire suisse et différentes cliniques spécialisées. Le socle des cinq premiers étages logera les services ambulatoires, les salles d’opération, l’imagerie médicale et l’unité IMC (soins intermédiaires). Les tours situées au-dessus accueilleront 10 étages de bureaux et de chambres. Ce complexe comprendra un total de 3500 pièces. La conception de ces dernières sera planifiée jusqu’au moindre détail, du revêtement de sol aux équipements hospitaliers en passant par les poignées de porte. Un tel niveau d’exigence rend les constructions à venir aussi délicates qu’une opération à cœur ouvert. Chaque intervention doit être parfaitement ajustée. Et pendant ce temps, l’hôpital conserve son obligation de fonctionner 365 jours par an, 24 heures sur 24.

Tablette sur le chantier

C’est dans un bâtiment situé à la périphérie du campus, anciennement dédié au personnel, que Bruno Jung a aménagé son bureau. Il est responsable auprès des maîtres de l’ouvrage de l’ensemble du projet de construction du nouveau bâtiment du secteur 12. «Nous avons fait le constat commun depuis plusieurs années déjà que la complexité d’un projet ne peut plus être gérée sans le BIM», dit Jung. Acronyme pour „Building Information Modeling“, BIM n’est en fait rien de nouveau. Si le concept a émergé dans l’industrie du logiciel il y a une vingtaine d’années. Ce n’est que ces trois dernières années qu’il a conquis l’ensemble du secteur de la construction suisse. BIM fournit des méthodes pour l’optimisation de la planification, de l’exécution et de la gestion de bâtiments, ou autres ouvrages, par le biais d’une maquette digitale de la construction constamment enrichie d’informations. BIM se substitue aux nombreux plans papier en 2D passant constamment de main en main. C’est donc plutôt avec une tablette que l’architecte ou le planificateur-BIM feront leurs inspections sur le grand chantier. L’important étant de bien distinguer BIM « ouvert » et « fermé ». Alors que le premier repose sur des standards et des processus d’exécution des tâches ouverts, le second impose à tous les utilisateurs d’employer le même logiciel pour pouvoir participer à un même projet.

Test décisif par le contrôle des collisions

Une communauté de spécialistes de la planification et de la réalisation s’est constituée pour la construction de ce nouveau bâtiment. Baptisée Archipel, elle est composée des deux bureaux bernois GWJ Architektur et IAAG Architekten ainsi que du bureau Architekturbüro Astoc, basé à Cologne. Zafer Bildir, responsable de planification, revient sur plus de trois ans passés à planifier ce projet. La salle de réunion spacieuse a déjà accueilli d’innombrables meetings-BIM avec les maîtres de l’ouvrage, les planificateurs, les techniciens maison. 23 sous-planificateurs collaborent depuis l’appel d’offre. La maquette numérique du bâtiment reste le support de travail idéal. A chaque avancée de la planification, elle affine les niveaux de planification. La maquette consolide aussi les maquettes 3D issue de chaque corps de métier. Une maquette se concentrera par exemple sur les conduites d’aération et d’eau, tandis qu’une autre répertoriera l’allocation des pièces.

Le test décisif se fera par exemple en superposant toutes les maquettes. «Ce contrôle des collisions montre les manques tout en donnant une base pour les résoudre si possible rapidement», dit Zafer Bildir. Ainsi, une erreur classique est la rencontre d’une conduite d’aération et d’une conduite d’eau. Cela apparaît tout de suite au contrôle et peut immédiatement déclencher la création d’une tâche dans la maquette. «Mon rôle consiste à réunir, pour chaque phase, les responsables et le maître d’ouvrage afin de discuter et de coordonner avec eux les thèmes non clarifiés», dit Zafer Bildir. Dans la phase actuelle, il y a par exemple près de 150 thèmes différents à traiter avec le maître d’ouvrage. Le représentant du maître d’ouvrage est persuadé que cet effort portera ses fruits. «BIM augmente considérablement la précision de la planification et des coûts», abonde le chef de projet Bruno Jung. Beaucoup de chiffres clés s’obtiennent désormais en un clic numérique grâce à BIM alors qu’auparavant ils résultaient de la compilation et du calcul d’un collaborateur. A tous ces défis s’ajoute l’importance du bâtiment à construire qui fait du secteur 12 de l’Inselspital un des plus grands chantiers de Suisse.

Jusqu‘à sa finalisation complète prévue pour 2050, c’est toute une génération de professionnels de la construction qui aura grandi avec ce projet. «Un temps d’exécution aussi long impliquera certainement beaucoup de changements, tant du côté des sociétés que des personnes. La pérennité des données garantit alors un énorme gain d’efficience», dit Bruno Jung.

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Michel Benedetti