La politique énergétique suisse dans le secteur du bâtiment: la balle est dans le camp des cantons

Loi sur le CO2, loi sur l’énergie, initiative «Sortir du nucléaire»: ces dernières années, les votations populaires en matière de politique énergétique ont de plus en plus polarisé l’attention de la société suisse. Le rejet dans les urnes de la loi sur le CO2 révisée en juin 2021 a, selon les camps, suscité l’indignation ou le soulagement. Dans une nouvelle série, CIFI se consacre à l’importance et à l’urgence des questions énergétiques actuelles et de leur impact sur le secteur immobilier. Le premier article traite des bases et des exigences du droit en matière d’énergie dans le secteur du bâtiment. Elles sont en grande partie façonnées par les cantons et diffèrent considérablement les unes des autres.

La politique énergétique est un domaine relativement récent. Il n’a été inscrit dans la Constitution fédérale suisse qu’en 1990. Auparavant, les compétences constitutionnelles de la Confédération dans le domaine de l’énergie étaient limitées à l’utilisation des eaux pour la production d’énergie, le transport et la distribution de l’énergie électrique, l’énergie atomique et la régulation des installations de transport par conduites de combustibles ou de carburants liquides ou gazeux. Selon l’article sur l’énergie de 1990, «la Confédération et les cantons s’emploient, dans les limites de leurs compétences respectives, à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l’environnement, ainsi qu’une consommation économe et rationnelle de l’énergie». Dans les années 1990, ce principe a permis à la Confédération d’introduire pour la première fois des mesures d’économie d’énergie et de promouvoir les énergies renouvelables. En outre, les cantons peuvent désormais adopter leurs propres lois sur l’énergie et leur propre réglementation en matière de politique énergétique. Cela a été suivi par la première loi nationale sur l’énergie en 1999 et par la loi sur le CO2 en 2000. Pour autant, l’électorat suisse a montré peu d’intérêt pour les changements apportés à la politique énergétique: de nombreuses initiatives et modèles énergétiques ont été enterrés dans les urnes au cours des 15 années suivantes.

Transition stratégique vers les énergies renouvelables

La Stratégie énergétique 2050 a vu le jour en 2011, à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima et de la décision du Conseil fédéral et du Parlement de sortir du nucléaire. Il s’agissait en partie d’une révision totale de la loi sur l’énergie, qui n’est toutefois entrée en vigueur qu’en 2018. La nouvelle loi sur l’énergie avait et a toujours pour but de réduire la consommation d’énergie, d’accroître l’efficacité énergétique et de promouvoir les énergies renouvelables. Dans cette loi, la Confédération laisse aux cantons une certaine marge de manœuvre, par exemple en matière de réglementations dans le secteur du bâtiment, qui se sont par conséquent multipliées. Afin d’uniformiser les dispositions, la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie élabore depuis 1992 le «Modèle de prescriptions énergétiques des cantons» (MoPEC). Les cantons coordonnent les réglementations dans le secteur du bâtiment, simplifiant ainsi la planification des constructions et l’obtention d’autorisations dans les différents cantons. Le MoPEC 2014, qui aurait dû en réalité entrer en vigueur dans toute la Suisse au 1er janvier 2020, est en cours de mise en œuvre. Mais le processus traîne en longueur à cause d’éléments controversés. Seuls 18 cantons ont déjà au moins adopté le module de base du MoPEC, tandis que six travaillent encore sur sa mise en œuvre.

Le patchwork de la réglementation énergétique

En se basant sur le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC) de 2014, chaque canton détermine le degré de rigueur des lois sur l’énergie et donc des exigences en matière d’immobilier. Dans certains cas, quelques mètres et une frontière cantonale déterminent si un chauffage au mazout ou au gaz peut encore être installé. Le spectre cantonal est large: à Zurich, Neuchâtel et Glaris, le remplacement du chauffage par des combustibles fossiles dans les immeubles résidentiels est interdit à l’avenir. À Bâle-Ville, c’est même le cas pour tous les bâtiments. En revanche, la plupart des cantons n’exigent qu’une part de 10 à 20% d’énergies renouvelables pour le chauffage des bâtiments. La loi bernoise sur l’énergie, qui est en cours de révision après son rejet dans les urnes, repose sur des mesures d’incitation et n’interdit pas le chauffage à combustibles fossiles. De telles installations sont également autorisées en Argovie et à Soleure, où les lois sur l’énergie prévues ont aussi été rejetées par la population.

Lors de la révision de la loi sur le CO2 l’année dernière, les débats ont porté sur une uniformisation conséquente de ce patchwork. La proposition de la Confédération aurait en effet entraîné des limites spécifiques de CO2 pour le chauffage dans les bâtiments anciens, ainsi qu’une augmentation de la taxe sur le CO2 pour les combustibles fossiles et une interdiction de facto du chauffage au mazout et au gaz dans les nouvelles constructions. Après le rejet dans les urnes du 13 juin 2021, le Conseil fédéral a présenté en décembre dernier une deuxième tentative de révision de cette loi. Toutefois, la nouvelle proposition ne contient pas de prescriptions pour le secteur du bâtiment. Au lieu de cela, l’accent est entièrement mis sur la promotion et l’investissement. Les cantons restent donc maîtres des questions énergétiques importantes dans le secteur du bâtiment.

L’équipe politique de CIFI suit les derniers développements en matière de politique immobilière et propose un aperçu des récentes interventions politiques, des tendances et des projets grâce au Polit-Monitor. Dans cette série, CIFI aborde chaque trimestre les enjeux actuels de la politique énergétique. Le prochain article sera consacré à l’énergie solaire. Il traitera de la législation et des mesures d’incitation existantes ainsi que des offensives solaires prévues par les villes et les cantons. Nous chercherons aussi à savoir comment la Confédération entend promouvoir davantage l’énergie photovoltaïque à l’avenir.